Les Clauses Abusives en Droit Français Positif

AutorHenri Temple
CargoCofondateur, puis directeur du Centre du droit de la consommation (université de Montpellier), avocat, expert international
Páginas211-219

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Parmi1 les grands jalons du droit de la consommation, maîtresse branche du droit économique, on rappellera les positions des grands économistes fondateurs: l’Ecossais Adam Smith et le Français Jean-Baptiste Say. Pour eux le but et la fonction essentielle de toute économie est le consommateur et la consommation. En réalité toute l’économie n’a qu’un seul but: le consommateur (et aussi, suivant Keynes: l’emploi). Adam Smith est sans doute le premier a l’avoir dit nettement, reconnaissant ainsi que la place du consommateur dans l’économie est sa finalité ultime: «La consommation...est l’unique but de toute production...»2Quant à Jean-Baptiste Say, pourfendeur de Ricardo (ce dernier ne s’intéressant guère au consommateur), il voit, dans le consommateur, un agent essentiel de l’économie (et pas seulement son but ultime), une fonction d’épargne et de demande: «... si toutes les denrées renchérissent le [consommateur] est plus pauvre... et comme la classe des consommateurs embrasse la nation toute entière...la Nation entière est plus pauvre...»3Car l’économie ne connaît que deux fonctions: l’offre (elle-même alimentée par la production et le commerce), et la demande. Or la consommation, selon les pays et les cycles, représente de 2/3 à 3/4 de la demande totale: c’est dire son immense importance dans le mécanisme du marché et les politiques de relance.

C’est ainsi que s’est progressivement construite, dans la science économique moderne, une Théorie économique de la consommation, et qu’ont été posés les problèmes soulevés, dans un système de marché, par l’asymétrie de l’information4. Il est clair, en effet, que le marché ne peut fonctionner qu’autant qu’existe, et est maintenu, dans les rapports de négociation, un équilibre entre l’offre et la consommation. Tout le droit de la consommation a pour objet le réglage fin, constamment surveillé, de ce délicat équilibre, par les droits reconnus aux consommateurs (et effectivement sanctionnés), ou à leurs associations.

Le droit a été récemment appelé à la rescousse par de grands économistes (à la suite de la crise mondiale provoquée par les banques américaines) pour repenser, puis recomposer, l’espace socio-politique et les fondements des politiques économiques pour le monde de demain.5C’est bien justement la fonction fondamentale du droit économique (D.E) que de contenir les pulsions de l’économie spontanée, et de les faire revenir à l’équilibre rompu: le droit de la consommation en est le coeur, même si un effet grossissant et d’optique attire l’attention sur son alter ego, l’autre pilier du D.E, le droit de la concurrence.

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En ce siècle commençant et assiégé par les craintes ou les doutes de 7 milliards d’humains, le droit de la consommation (et les questions d’environnement) occupe le cœur des appels à l’aide intellectuelle que les économistes lancent aux juristes. Encore faudrait-il que ces derniers ne se bornent pas à donner leurs réponses techniciennes et mécaniques, apprises à la Faculté, mais sondent enfin, à nouveau, comme aux origines, les fondements primaux les plus forts du Jus6. Les séquelles «révoltogènes» de l’affaire dite, euphémiquement, des sub primes ne sont pas apaisées dans les consciences citoyennes. Cette crise est le résultat d’un relâchement des règles légales et prudentielles (c’est à dire les ratios bancaires) en Amérique7. Le doit de la consommation, lato sensu, est capable d’apporter un renouvellement de l’éthique collective. Le «modèle concurrentiel de base» qui admet par hypothèse, et sans état d’âme, que toute le système repose sur le postulat de consommateurs rationnels et d’entreprises maximisant leur profit tient toute intervention de l’Etat comme indésirable. C’est une vue de l’esprit, démentie par l’observation.8

  1. Le droit de la consommation, entendu non plus comme une série de textes de circonstance et à effet ciblé, mais comme une somme de règles cohérentes entre elles, rassemblées en un Code ou une loi fondamentale, et organisées en une nouvelle branche autonome du droit, est, lui, apparu en France, à l’Université de Montpellier, sous l’impulsion de mon maître, le Professeur Jean Calais-Auloy. Et le Brésil a été le premier pays précurseur à suivre ce mouvement intellectuel.

Outre les questions de sécurité des produits, de sincérité de la publicité, le problème des causes abusives est un des plus importants: il pèse fortement sur...

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